Aujourd’hui, la majorité des semences utilisées par l’agriculture en Europe sont des hybrides F1. Le débat sur les semences fait souvent rage, notamment auprès des aficionados de l’agriculture biologique et de la permaculture : certains les voient comme le moyen de garder les agriculteurs captifs des semenciers, ou pensent carrément qu’il s’agit de semences bidouillées qui vont nuire à leur santé.
Faut-il s’inquiéter des hybrides au potager ?
Les hybrides F1 mais c’est quoi à la fin ?
Les hybrides F1 c’est quoi au juste ?
En premier lieu, une petite distinction : hybrides et OGM, ce n’est pas la même chose ! L’hybride F1 désigne juste l’hybride de première génération.
Un hybride, c’est simplement une plante obtenue par reproduction sexuée entre deux parents d’espèces ou de variétés différentes. C’est le processus normal de création d’une nouvelle variété, qui se fait naturellement, ou avec l’aide de l’homme. Si on veut faire un parallèle avec la faune, la mule est un hybride entre âne et cheval. Un des inconvénients est que souvent l’hybride n’est pas “stable” ; beaucoup sont stériles, ou reviennent en quelques générations au type de l’un ou l’autre parent. En effet, habituellement pour créer une variété, on fait un premier croisement, puis on sélectionne les plants les plus intéressants sur plusieurs générations, de manière à la “stabiliser”. Pour les hybrides, on fait juste ce premier croisement, et on les distribue telles quelles : ce sont des semences aux caractéristiques stables, mais à la descendance instable.
Mais pourquoi F1 et pas F2 ou F3 ?
Attention cette partie est technique !
En frottant le pistil – organe femelle – d’une variété ou d’une espèce donnée avec le pollen – mâle – d’une autre espèce, on obtient des “hybrides” associant les qualités de résistance et de productivité des parents. Cet hybride porte un “nouveau” code génétique, la plupart des parasites n’y sont pas encore adaptés.
Le brassage génétique entre des espèces de souches lointaines apporte ce qu’on appelle l’hétérosis, ou “effet hybride” – on constate une meilleure vigueur et davantage de résistance aux maladies. Les scientifiques expliquent ce phénomène en assumant que les “parents” sont porteurs de tares liées à leur reproduction au sein d’un pool génétique réduit.
À la première hybridation, la probabilité d’apparition des tares génétiques s’effondre donc, puisque les chances que les deux parents possèdent le même allèle malade et le transmettent devient très faible.
Dès la seconde génération, on revient à une multiplication au sein d’un pool génétique réduit – d’une multiplication entre “parents proches”. Les hybrides F2 se trouvent de ce fait de nouveau porteurs des tares de leurs grand-parents.
Pourquoi ces hybrides sont-ils si problématiques ?
Les hybrides, ce n’est pas si mal, n’est-ce pas ? Attention, il y a aussi quelques inconvénients à connaître :
- Les hybrides sont tellement vigoureux qu’ils ont tendance à épuiser le sol en nutriments et en eau plus vite que celui-ci ne peut se régénérer.
- S’ils sont souvent plus productifs, s’ils ont des vitesses de croissance supérieures aux variétés stables, s’ils acceptent des conditions parfois plus difficiles, les hybrides sont aussi réputés pour avoir le goût d’eau, une faiblesse en nutriments et en goût. Cela s’explique : quand on grandit trop vite ou dans de mauvaises conditions, on grandit… mal !
- Corollaire évident : si les plants sont gourmands et épuisent le sol, ils requièrent également des engrais, qui sont généralement – vendus par les mêmes multinationales…
- Les techniques d’hybridations sont chères à développer : le travail pour hybrider à nouveau chaque année de nouvelles semences se fait par champs entiers, qui deviennent de véritables laboratoires à ciel ouvert.
- Les producteurs, qui ne peuvent réutiliser leurs graines, deviennent captifs des semenciers, ce qui ruine certains paysans, surtout dans les pays pauvres.
- Enfin, l’industrialisation du processus de production uniformise les variétés exploitées, ce qui va à l’encontre du principe qui voudrait qu’une variété s’adapte à un climat et à un terroir, et d’autre part, nuit grandement à la biodiversité !
Les hybrides au jardin potager, on s’en sert ou non ?
Honnêtement, les F1 ont un intérêt très limité pour les particuliers. La résistance aux maladies et la productivité, quand on a seulement quelques plants, ne sont pas les critères primordiaux. On vous conseille plutôt d’utiliser des variétés anciennes qui sont davantage réputées pour leur goût, si possible produites localement. Vous serez certains d’avoir une plante bien adaptée et qui résistera pendant des générations. Et vous pourrez récupérer vos graines d’une année sur l’autre…
Ne râlez pas sur votre maraîcher bio parce qu’il cultive des hybrides F1 !
Pour un professionnel, la donne est peut-être différente : les clients attendent une production régulière et des périodes de récoltes étirées au maximum, pour pouvoir, par exemple, manger des tomates de juin à septembre. Pas question de dire : “Désolé madame Musquin, pas de tomates ce mois-ci, mes semis ont fondu !” S’il fait ça, madame Musquin retournera chercher ses tomates chez quelqu’un qui les lui propose même en janvier, et lui va se demander comment rembourser ses serres. Vous nous direz, ce serait chouette que Madame Musquin comprenne qu’elle aurait intérêt à ne chercher des tomates qu’à la bonne saison, et locales si possible, etc – et on sera d’accord ! – mais du point de vue du maraîcher, en attendant que Madame Musquin prenne conscience des enjeux, il fait quoi ? Il sème, en ménageant la chèvre et le chou.
L’autre différence cruciale est la virulence des maladies pour une grosse production. Par exemple, si vous cultivez 2000 plants de tomates en serre, la présence d’une seule variété plus “vulnérable” aux parasites peut compromettre toute votre récolte, en particulier – et c’est là la contradiction du bio intensif ! – si vous travaillez en bio et que vous ne traitez pas du tout…
Oui, certains professionnels talentueux réussissent à travailler avec des variétés anciennes, mais c’est évidemment bien plus compliqué quand on doit produire des volumes conséquents afin de dégager un ou deux salaires. Les variétés anciennes sont conservées depuis des générations par autofécondation – elles ne sont pas vraiment adaptées à la culture intensive.
Pour aller plus loin sur les hybrides, une référence sur le sujet, c’est le site de Semences Paysannes, avec un article très complet de François Delmond qui date de 2006, mais qui est toujours d’actualité…
Et à regarder, sur l’enjeu des semences, un documentaire – La Guerre de graines, de Tenka Quillet et Clément Montfort !
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